Le témoignage de François

François a 62 ans. Marié depuis 35 ans avec Françoise, seuls 10 jours et une voyelle semblent les séparer. François a eu un enfant d’un précédent mariage. Diagnostiqué en 2010 du cancer du poumon, il a reçu 20 séances de radiothérapie et 6 séances de chimiothérapie.

 

 

LE DIAGNOSTIC DE FRANÇOIS

J’étais au travail lorsque j’ai toussé une mauvaise régurgitation dans un mouchoir blanc. J’ai patienté jusqu’à ce que les clients s’en aillent pour regarder de plus près : le mouchoir était tout rouge. J’ai tout de suite su que c’était un cancer du poumon. Je ne sais expliquer pour quelle raison, mais j’étais persuadé que c’était ça. J’ai attendu 4 jours pour prévenir mon épouse, je ne voulais pas l’inquiéter.

Nous avons alors pris rendez-vous chez mon médecin traitant. Il a préféré que je passe un scanner en plus de l’IRM afin d’être certain de son diagnostic. Il m’a recommandé un radiologue qui m’a assuré que j’avais « quelque chose de très méchant » pour reprendre ses termes. Heureusement le pneumologue de Strasbourg a dit qu’il avait « bon espoir ».

« Il y a des moments où je pense à la maladie, et on se demande de quel côté ça va pencher cette fois, mais je ne me suis jamais senti partir. »

FAMILLE & AMI(E)S

Ma famille a été très présente, mais quand on est malade, on pense déjà à sa pomme ! Je sentais bien qu’ils étaient inquiets mais ils ne me l’ont pas fait sentir, peut-être pour me préserver.

J’ai continué à voir mes copains, à sortir.

La maladie a resserré nos liens avec mon épouse, si je ne l’avais pas eue, je ne m’en serais pas aussi bien sorti : elle m’a donné de l’énergie. Je me souviens d’une fois dans la voiture où je me suis mis à pleurer. Si ma femme n’avait pas été là pour me rassurer, je ne sais pas si j’aurais eu la force nécessaire pour continuer.

« J’ai eu la chance de tomber sur une femme aimante et protectrice. »

GESTION DE LA MALADIE

Le plus difficile demeure l’attente. D’abord celle des premiers jours où l’on craint les résultats de l’IRM et du scanner. Au total, j’ai eu 20 séances de rayons et 6 séances de chimiothérapie : ma femme venait me rendre visite tous les après-midis lorsque j’étais hospitalisé.

Aujourd’hui, je ne suis pas détendu lorsque je repasse des examens, même s’il s’agit simplement de vérifier que tout va bien. Depuis lors, je n’ai aucune contrainte sauf me rendre tous les 6 mois à l’hôpital afin d’effectuer des examens de routine.

« On ne sait jamais comment notre corps va réagir. »

SANTÉ & ALIMENTATION

J’ai eu longtemps des difficultés à marcher. J’allais deux minutes dans le jardin et j’étais essoufflé comme si je venais de courir un marathon.

VIE PROFESSIONNELLE & FINANCE

J’ai commencé comme mécanicien automobile jusqu’à ce que je rejoigne mon épouse au magasin : on y vendait des piles et de l’éclairage en gros. J’ai toujours eu la fibre commerciale. Jusqu’au moment où j’ai eu mon premier infarctus, j’avais alors 42 ans. Je me donnais tellement, j’ai vendu l’entreprise. Après ça, j’ai été animateur là où on avait besoin de moi. Au supermarché, j’étais chargé de vendre des bières, j’ai aussi vendu des pastèques et des cornichons. Je suis capable de vendre à peu près tout, même des machines à laver !

Après la fin des traitements, j’ai rapidement souhaité retravailler : ça nous donne de la dignité de se lever pour faire quelque chose, autre que de s’occuper de nous. J’ai alors été vendeur dans un magasin de bricolage pendant 6 mois mais j’ai arrêté rapidement car les conditions n’étaient pas bonnes. J’ai malgré tout souhaité faire un nouvel essai dans un autre magasin mais cette fois-ci, c’est le médecin du travail qui m’a ordonné d’arrêter de travailler. Savez-vous ce qu’il a écrit au dos de ma feuille de soin ? « Arrêt urgent, danger », le tout en grosses lettres.

Une fois les soins terminés, on a complètement été délaissés par les aides sociales. On a vécu ce manque de soutien de manière assez brutale. On s’est tourné vers la Ligue contre le cancer afin de s’entretenir avec un psychologue qui m’a dit que j’avais « de la lumière dans les yeux » : je n’avais alors, selon lui, nullement besoin d’aide.

Concrètement, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie a supprimé mes indemnités journalières. On n’avait alors plus de sécurité sociale, il fallait pourtant bien que l’on touche quelque chose. On s’est tournés vers une assistante sociale de la Mairie : c’est elle qui a mis en place un revenu de pension d’invalidité.

Il y a quelques mois, j’ai acheté une petite maison dans laquelle j’ai fait construire plusieurs appartements. Je les ai mis à la location et les revenus nous permettent de partir en vacances.

« Le travail préserve notre dignité. »

ET DEMAIN?

Je n’ai plus toujours les mêmes valeurs, je relativise beaucoup plus, je suis presque devenu laxiste ! Je ne pense plus à ma maladie, ce n’est pas une obsession chez moi. Je pense plus à ce qui ne fonctionne pas maintenant : les jambes, le bras, …

Après le cancer, on est parti en croisière en Méditerranée et en Finlande. Françoise est souvent sur l’ordinateur à chercher notre prochaine destination. J’aime aussi beaucoup l’Autriche, ses valeurs : je me sens bien avec la nature et les odeurs là-bas. J’aime où je vis : on a la Forêt-Noire et les Vosges juste à côté de chez nous.

« Ce que je peux remettre à demain, je le fais désormais. »